Les Mondes post-apocalyptiques de Ben Rivers et Mark von Schlegell :
tournants épistémologiques et utopies dans Slow Action
Une considération de l'Apocalypse et des possibles de sa représentation cinématographique ne saurait faire abstraction du rapport particulier qu'entretiennent le médium audio-visuel et le thème eschatologique au temps. Une étude des correspondances entre l'écriture apocalyptique et la pensée deleuzienne présente l'occasion de prendre en compte l'aptitude du film à rendre visible l'avènement de la fin du monde, tout en permettant de dégager de cet enjeu la manière dont l'appropriation industrielle de l'Apocalypse se dresse a priori dans une optique prophylactique. A l'inverse, le style poétique et artisanal de l'artiste-cinéaste Ben Rivers esquisse une considération eschatologique dans le sens d'un renouveau épistémologique, non plus la fin du monde, mais la fin d'un monde ou d'un mode d'existence.
En proposant un voyage cinématographique à travers un monde composé d'îles où se sont érigées des sociétés utopiques, Slow Action participe alors à renverser l'approche dystopique habituelle. Sans pour autant s'enfermer dans une optique idéaliste classique, le film présente l'opportunité de s'interroger quant à la stratification du temps et la possibilité de renouveler nos modes de perception, autant d'un point de vue formel que narratif. En effet, si nous nous rapprochons de la pensée de Deborah Danowski et Carlos Viveiros de Castro selon laquelle « l'anthropocène c'est l'apocalypse dans les deux sens du terme, étymologique et eschatologique », notre lecture du film permet de répondre au besoin d'adaptation du récit souligné par Émilie Hache à un moment historique tout particulier.
Publié dans
Mediations apocalyptiques - Imag(in)ing the Apocalypse, dir. H Machinal, M Michlin, E Mullen,
A Regnauld, J Thornborrow, 2018, à consulter
ici.